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5 questions à propos d’Une écharde au cœur (Dialogues 3 juillet  2010)

Samedi 3 juillet 2010, en fin de journée, la librairie Dialogues de Brest a organisé une rencontre entre Jean-François Coatmeur et ses lecteurs. Occasion de mettre l’auteur brestois sur le gril au sujet de son dernier ouvrage Une écharde au cœur, sorti peu avant.

5 questions à Jean-François Coatmeur- Dialogues 2010-07-03

Jean-François Coatmeur, bonsoir et bienvenue à la librairie Dialogues. Vous nous présenter votre nouveau roman, Une écharde au cœur, publiée aux éditions Albin Michel. Pouvez-vous en quelques mots nous parler de l’intrigue de ce nouveau roman ?

Jean-François Coatmeur :Oui, bien sûr, mais vous savez c’est toujours très difficile dans ce genre d’ouvrage de parler de l’intrigue. Il y a deux intérêts au départ, qui sont d’ailleurs matérialisés dans le livre par des différences dans la présentation typographique. D’abord, il y a la sortie de prison d’un garçon d’une quarantaine d’années, ex-médecin militaire, emprisonné sur la foi d’une accusation mensongère qui a fait deux ans et demi de préventive ; il sort donc de prison et va revoir son pays natal, Pouldavid en Douarnenez. Sur la route, et voilà le deuxième élément de l’intrigue. Il rencontre vers 11h et demi-minuit, une petite jeune femme absolument désemparée, à moitié dévêtue, dans un état de grande détresse. Malgré pas mal de prévention, il la recueille. Voilà les deux éléments importants de l’intrigue. D’abord, la rencontre de ce garçon avec cette fille plus ce qu’il y a derrière l’histoire du garçon et ce qu’il y a aussi derrière la présence de cette fille sur la route. Voilà donc le principe de deux êtres très éloignés l’un de l’autre, que rien ne devrait rapprocher, qui vont finalement se trouver dans une histoire ou tout compte. Ce que ce que la fille a enduré et ce que lui a enduré seront des points de rapprochement assez évidents.

Pouldavid sur-mer au début du XX° siècle

D : Vous avez mentionné Pouldavid, aujourd’hui, une commune rattachée à Douarnenez. Commune que vous connaissez très bien puisque vous y avez passé votre enfance. Est-ce important pour vous de maîtriser les lieux des intrigues de vos romans ?

JFC : Alors je profite pour dire que Pouldavid, est plus qu’un lieu que je connais très bien. J’y suis né et le livre est aussi l’occasion d’un salut extrêmement ému à ce petit port de pêche qui était Pouldavid-sur-mer, qui n’est plus, comme vous le savez, qu’un quartier de Douarnenez. Parce que non seulement il a été incorporé à Douarnenez, ce qui est tout à fait normal, mais ce qui pour moi est moins normal c’est que ce qui était un port de pêche est devenu rien du tout puisqu’on a bouché la mer et ce qui était pour moi un petit port ou on pouvait faire du bateau etc. est maintenant remplacé par une zone industrielle d’un côté et de l’autre côté par une barre de HLM. Donc c’était évident que je tenais à ce salut fraternel au petit port de mon enfance. C’est très important pour moi. Et bien sûr parce que là, c’est tout le passé auquel je rends hommage aussi avec mêlée à cette époque, mes amis, ma famille, mon père, ma mère, etc. qui sont aussi présents dans le livre, en fait.

D : Alors justement, votre famille est présente. Et vous- même, êtes-vous présent dans les personnages que vous vous racontez ?

JFC : Forcément, oui, bien sûr…

D : A quelle hauteur ? Comment vous immiscez-vous, dans chacun des personnages ?

Jean-François Coatmeur devant ses lecteursJFC : Je ne vous le dirais pas… Déjà, je ne pourrais pas le faire, c’est très difficile. Mais il est certain que le personnage principal, c’est quand même le garçon. C’est cet ancien médecin militaire, victime d’une malchance à la suite de la dénonciation, de son fils adoptif en plus, ce qui est plus grave. C’est lui le personnage principal. Mais le destin de Mara, la jeune femme qu’il va rencontrer, m’intéresse aussi beaucoup. Je me suis mis dans ce personnage principal, qui est donc Gwen. Mais je me suis mis aussi dans le personnage de la fille. Ce qui est plus difficile, [sourires]. C’est moins facile, bien sûr, puisque ça n’est pas le même sexe, il y a la différence d’âge… Mais ce n’est pas la première fois que je dois me plonger dans les mystères de la condition féminine. Ça fait partie du talent, s’il en a un, du romancier. C’est à la fois source de beaucoup de problèmes mais aussi de beaucoup de joies, de vivre ainsi plusieurs vies, y compris avec des individus qui sont très éloignés de moi. Donc je suis aussi dans la fille, mais surtout dans le garçon, bien sûr.

D : Vous décrivez des personnages qui sont pour certains, disons, méchants. C’est un petit peu simplifié, mais en tout cas qui sont sujets à des travers tels la vengeance ou l’envie de faire du mal ; et parallèlement à des personnages comme Gwen que vous avez évoqués, qui sont particulièrement, foncièrement bons. Est-ce important pour vous de montrer justement ces deux facettes de la nature humaine ?

Jean-François Coatmeur devant ses lecteursJFC : Toute mon œuvre en témoigne. J’ai toujours essayé de rendre très présentes les deux facettes, comme vous dites, les deux tendances de la nature humaine le bien et le mal pour simplifier. Je pense qu’il est bon de le rappeler à une époque qui perd peut-être un peu ses repères. Mais pour moi, bien sûr, il y a le réel : il y a le bien, il y a le mal. Ce qui n’empêche que les individus qui ne sont pas forcément tout bons et tout mauvais. C’est une des constantes dans mon travail aussi d’essayer de ne pas faire des personnages qui soient des démons, des mauvais. Dans chacun des personnages de la cité et dans d’autres, il y a du bon et du mal. Plus ou moins selon les personnes. Mais tout de même, Gwen n’est pas non plus absolument parfait puisque son comportement à l’égard de son fils adoptif peut laisser à désirer. Cela explique un peu, peut-être, la réaction de ce fils adoptif. Pour les autres, je pourrais les prendre les uns après les autres, il n’y a pas un seul qui soit un ange. Et Dieu merci ! Parce que dans la vie non plus, nul n’est parfait. . Il n’y a pas tellement d’anges. Je n’en ai pas rencontré beaucoup…, ni moi-même, naturellement, bien sûr.

Ce qui me coute le plus, c’est la construction

D : Vous êtes l’un des écrivains français les plus talentueux dans l’écriture des romans à intrigue. Qu’est ce qui, selon vous, est le plus difficile ? Est-ce la construction ? Est-ce l’émergence des personnages ?

JFC : Je pense que tout, se complète. Vous avez prononcé le mot de construction. Je crois que c’est sans doute ça qui me demande le plus de travail, qui me demande aussi le plus de persévérance et de volonté. Une construction que je sais impeccable. Je ne dis pas que j’ai réussi, mais ici, l’histoire se passe en huit jours en fait, de dimanche à dimanche. Alors, avant d’arriver à une intrigue qui soit plausible, avec des personnages assez contrastés de les faire tenir dans huit jours, je vous assure, ce n’est pas très facile. Si je réussis à donner l’impression que c’est facile, tant mieux. Mais vous savez bien que ce qui paraît simple finalement demande beaucoup de travail. Donc pour moi, la construction est ce qui m’importe le plus. Je ne la dissocie pas de l’écriture, bien sûr. Et on a parlé des personnages. Bien sûr que les personnages ont leur importance, mais je crois que si j’ai à faire une priorité, ce qui me coûte le plus, en tout cas, c’est la construction.

[Enregistré en public le 22 juin 2012, dans les locaux de la librairie Dialogues à Brest. Voir la vidéo de l’interview]

[Mise à jour : 16 juin 2022]