« Des croix sur la mer », 1991 - Albin Michel

Des croix sur la mer

[Temps de lecture : 2 minutes]

Août 44. Alors que les troupes allemandes s’efforcent d’évacuer la pointe de Bretagne, l’infirmier Jean Palu est cueilli dans une rue du petit port natal et collé comme otage à la façade d’une maison, avec quelques compatriotes. Il passera sept heures contre ce mur, dans l’attente de la mort promise, sept heures sous le signe de la peur, traversées d’espoirs fous, de projets de rêves, de corps à corps fiévreux avec un passé obsédant, d’hallucinations prémonitoires, sept heures pour exorciser ses fantômes, une vie en partie ratée, en tous cas meurtrie.

Regard sans complaisance porté sur un itinéraire d’homme mis à l’épreuve par les tourmentes de l’histoire. « Des croix sur la mer » brosse le portrait complexe, inquiétant et vrai de tous ceux qui ne sont ni des traîtres ni des héros, mais des déshérités dont la guerre fait basculer le destin en leur offrant peut-être la chance d’une rédemption.

Secrets d’écriture

A l’origine de ce roman qui restera le seul non policier, un souvenir. 5 août 1944, Pouldavid, Le jeune Jean-François Coatmeur qui vient d’avoir son bac est arrêté par les allemands, dans la rue devant chez lui. Il passera sept heures aligné contre un mur attendant la libération ou la mort. Le récit de sa sœur, 50 ans plus tard :

Dédicace à sa sœur Marie-Thérèse du roman « Des croix sur la mer »

Dédicace à sa sœur Marie-Thérèse du roman « Des croix sur la mer »

Le personnage de Mari, jeune femme peut-être trop proche des allemands, apparait dans un roman postérieur, «L’ouest barbare», publié vingt ans plus tard en 2012. Jean-François Coatmeur nous explique alors comment cette jeune femme est arrivée à Douarnenez avec son père et lui offre une conclusion plus apaisée que ce roman-ci peut laisser présager.

« Des croix sur la mer » sera plusieurs fois réédité en  diverses collections : Le livre du mois, Le livre de poche, Press Pocket…

  • Albin Michel – Hors collection (1991)
  • Prix Bretagne 1992
  • Prix Pierre Mocaër des écrivains bretons

Un film TV

Des croix sur la mer : à droite Jean Palu (Laurent Malet) DVD Des croix sur la mer

 

Réalisation de : Luc Béraud

Scénario de : Catherine Borgella, Luc Béraud & Jean-François Coatmeur

Année : 2001

Durée : 1h30

Musique de : Carolin Petit

Film TV
Le 5 août 1944, en Bretagne, des civils tombent entre les mains de l’armée allemande. Parmi eux, Jean Palu, un homme comme les autres, qui revient sur sa vie. Entre échec et maladie, il dresse un portrait plein d’amertume de son existence…

Première diffusion : 13 octobre 2001

Distribution

  • Laurent Malet : Jean Palu
  • Isabelle Renauld : Françoise
  • Marie Guillard : Marie
  • Jérôme Pouly : Valentin
  • Stéphane Brel : Gwénolé
  • Philippe Clay : Napoléon
  • Pierre Doris : Le vieux Kolb
  • Franck-Olivier Bonnet : Gadona

L’écrivain brestois change de registre – Coatmeur : du polar au roman noir

«Des croix sur la mer» vient de paraître. Signé Jean-François Coatmeur. Ce n’est pourtant pas un roman policier. Mais on ne se refait pas: le style, le ton, le sens de l’angoisse et du suspense littéraire d’un écrivain qui a su imposer sa manière et ses idées dans le roman noir français.

Prof de lettre à Brest, Jean-François Coatmeur est un homme tranquille. Un conteur né. Une façon de mettre en scène des événements, des personnages avec tout leur poids d’humanité, leur fragilité, leurs héroïsmes ou leurs lâchetés de circonstances.

Roman noir, roman d’idée

L’histoire qui lui a inspiré «Des croix sur la mer», c’est son histoire. En août 1944, les Allemands acculés tentent d’évacuer le Cap Sizun à la pointe de Bretagne. Jean-François Coatmeur est âgé de 18 ans. Il est pris comme otage. Mis le dos au mur. Pendant sept heures, promis aux balles des mitrailleuses allemandes. Un souvenir tragique qui le marque à vie. «Il fallait que je raconte cet épisode de ma vie. Mais il m’a aussi fallu attendre le temps de la maturité.» L’autobiographie s’arrête là. «Des croix sur la mer» est une fiction.
Une première fiction qui ne soit pas un «polar». Ou plutôt – Coatmeur préfère l’expression – un roman noir. A peine une infidélité à un genre qui a fait la notoriété de l’écrivain brestois. Denoël vient de rééditer «Les sirènes de minuit », «Le mascaret», «Aliena» et «La voix dans Rama» introuvables depuis des années ! A peine une infidélité à un style et un ton que Jean-François Coatmeur a su imposer au fil de ses livres.
Il est venu au policier un peu par hasard… Et beaucoup par Narcejac. «Boileau-Narcejac, Japrisot m’ont influencé. Au départ. Mon premier livre, Chantage sur une ombre, est paru au Masque en 1963. Je n’en étais pas très content. J’avais appauvri la première mouture pour entrer dans le moule des collections policières.» Depuis, Coatmeur s’est émancipé. «La voix dans Rama» d’abord, puis «Le squale» et surtout «Les sirènes de minuit» laissent percer le critique social, le polémiste politique, l’«humaniste impénitent». Avec en plus le sens du suspense, de l’intrigue, de l’angoisse. «La bavure», «Morte fontaine», «La nuit rouge», «Yesterday», «Narcose», «La danse des masques»: un Coatmeur se reconnaît dans les premières pages. Épaisseur des personnages, thèmes chers au cœur de l’écrivain. Coatmeur est résolument contre l’exclusion, la raison d’État, la politique qui magouille, la bonne conscience complaisante. Et il le dit. Le roman noir peut être simple question de ficelles. Coatmeur, lui, y met toute son âme, ses convictions comme ses doutes.
Christine Brulé

Ouest-France - 4 juin 1991

Comment peut-on être breton ?

Découvrez ou redécouvrez Jean-François Coatmeur, natif de Douarnenez et auteur de romans policiers: un régal

Jean-François Coatmeur appartient à cette catégorie d’écrivains qui retiennent davantage les lecteurs que la critique. Et pour cause: il relève de ce genre (mauvais ?), la littérature policière, que l’on lit beaucoup mais dont on parle peu en dépit même de l’apparition du TGV dans les gares françaises. Autre inconvénient majeur pour la carrière mondaine de Jean-François Coatmeur: comme son l’indique, il est breton – ce qui, à priori, ne représente pas une tare fondamentale, après tout Châteaubriant, Alain Robbe-Grillet, et Yann Queffelec l’étaient et le sont aussi -, mais il situe la plupart de ses romans dans la Bretagne, mieux (ou pis ?), dans le Finistère dont il avoue aimer les paysages, le ciel, Brest, Douarnenez, la mer et le vent. Auteur régionaliste, donc. Eh bien non ! Jean-François Coatmeur est l’un des meilleurs écrivains contemporains non seulement bretons mais français. Et on ne saurait trop vous conseiller de le découvrir à l’occasion de cet été trop chaud dans le Sud et trop pluvieux dans l’Ouest.
L’actualité littéraire s’y prête. Le dix-septième roman de Jean-François Coatmeur «Des croix sur la mer» vient de paraître chez Albin Michel, et Denoël réédite en un seul volume, sous le titre de «Sueurs froides», quatre de ses ouvrages précédents: «Aliena», «La voix dans Rama», «Les sirènes de minuits» et «Le mascaret». Le dernier roman de Jean-François Coatmeur, «Des croix sur la mer» donc, pourrait d’une certaine façon marquer un tournant dans son œuvre. Cette fois il ne s’agit pas de crime ni d’enquête mais d’un suspense qui n’a rien à voir avec la fiction.
L’action se passe en août 1944 dans un petit village au bord de l’océan. L’époque n’est pas gaie: les troupes s’accrochent encore un peu avant l’inéluctable retraite ; les FFI se montrent de plus en plus audacieux. C’est dire que la vie, même dans ce petit port d’un des caps de Bretagne (toujours oui !), est dangereuse: les collabos rentrent la tête dans les épaules, les résistants prennent des risques, les demoiselles qui ont eu des grâces pour l’occupant tremblent pour leurs cheveux. Et quiconque, pour son malheur, peut faire son entrée dans l’histoire. Ce sera le cas de Jean Palu, l’infirmier local, qui se fait cueillir par des soldats et se retrouve dans l’inconfortable position d’otage. Position privilégiée pourtant, si l’on peut dire, d’où il peut à loisir, pour les quelques heures qu'il lui reste à vivre, observer le comportement de son, de ses prochains, ceux qu’il a rejoints et ceux du dehors, mais aussi faire le point sur sa vie, sur sa femme qui l’aime et ne l’aime pas – enfin qui fait un partage entre ses sentiments et ses émotions – sur son destin dont le point final est proche.
En filigrane ou encore en contrepoint, Marie, une paumée plutôt gentille qui soigne inlassablement son père larvaire et a connu naguère quelques douceurs avec un Allemand, traverse le livre. Le malheureux Jean Palu sera fusillé sur la plage où, petit garçon, il jouait. C’est horrible, bien sûr, mais pour l’accompagner il aura eu le bruit et l’odeur de la mer bretonne, ce qui n’est pas rien.
Dépouillé, écrit d’un trait, dense et vif à la fois, le roman de Jean-François Coatmeur touche au cœur. On a les yeux qui piquent. Comme d’habitude. Car si on lit (ou relit) les quatre «polars» réédités par Denoël, on y retrouve, en dépit du genre cité plus haut, la même rigueur, la même précision, la même poésie. Simplement, dans «Des croix sur la mer», le texte est plus dépouillé, le ton plus nostalgique. N’empêche, c’est dans ce livre-là comme dans les autres la vie avec ses tragédies, ses rigueurs, ses ruses et ses comédies qui vont. Un conseil pour les vacances: découvrez Jean-François Coatmeur, le petit cousin de Graham Greene et de Georges Simenon.
Jean-François Josselin

Le Nouvel Observateur - Août 1991

Hantises profondes

Cela commence par l’histoire – si rebattue – d’une femme tondue dès le départ des troupes allemandes, en 1944, pour déboucher sur le brusque raidissement du destin d’un homme pitoyable.
Il a été pris en otage par une escouade d’occupants en déroute et les sept heure qu’il passe dos contre un mur du village permettent de repasser le film d’une existence ayant toujours oscillé entre les diverses nuances du gris.
On retrouve ici l’atmosphère oppressante et enfiévrée, les thèmes désespérants et les hantises profondes dont l’univers de Coatmeur ne se départit jamais. La guerre comme recours ultime, la mort comme seule possibilité d’acquérir enfin une carrure respectable. Une conception personnelle de la rédemption.
M. B.

L'instant: L'hebdo des années nonantes (Suisse) - 29 août - 4 septembre 1991

Jean-François Coatmeur, le maître du roman à suspense

Des croix sur la mer Ce roman de Coatmeur n’est pas un policier, mais le suspense est néanmoins présent. Le récit et les événements sont plus ou moins autobiographiques, en effet l’auteur a utilisé un souvenir très marquant pour trame de son nouveau roman. L’action se situe en Bretagne, en août 1944 les Allemands évacuent la pointe de Bretagne.
Un infirmier, Jean Palu est arrêté, pris en otage avec d’autres innocents, il restera sept heures contre un mur dans l’angoisse de la mort. Durant ces sept heures, il revoit sa vie, il pense, il pense à sa femme, à leur problèmes de couple, il est angoissé par une lettre qu’il a écrit et qu’il voudrait détruire…
Les remords et les doutes sont à chaque page, un portrait complexe et fort. Ce roman est un pur chef d’œuvre. Jean-François Coatmeur est un auteur à lire en priorité.
Véronik Blot

L’Écho de la Presqu'ile - 13 septembre 1991

Des Croix sur la mer

Eté 1944, en Bretagne. En pleine déroute et pour venger la mort d'un des leurs, des soldats allemands ont pris des villageois en otage, dont Jean (Laurent Malet). Assis dans la poussière, il attend... Ses souvenirs défilent : sa vie professionnelle est ratée (il est infirmier au lieu d'être médecin), son mariage est malheureux - son épouse Françoise (Isabelle Renauld) le trompe -, et, de surcroît, il a adressé à la Kommandantur une lettre dénonçant l'amant de sa femme. Un acte qui le taraude au point qu'il demande à Marie, " la putain " des Allemands, d'aller détruire cette lettre. Adapté du roman éponyme de Jean-François Coatmeur, un téléfilm plutôt juste de Luc Béraud sur le drame personnel d'un homme, ni héros ni salaud.
Armelle Cressard

Le Monde - 7 octobre 2001

« Des croix sur la mer » : l'histoire d'un destin

France 3 diffuse ce soir à 20 h 50 le téléfilm « Des croix sur la mer », inspiré du roman de Jean-François Coatmeur, tourné par Luc Béraud dans le Sud-Finistère, avec plusieurs comédiens bretons.
Les films ou les téléfilms qui évoquent avec justesse la Bretagne ne sont pas si courants. Alors, à l'exception de quelques détails d'ordre «folklorique», il convient de saluer le travail effectué par la scénariste Catherine Borgella et le réalisateur Luc Béraud, pour porter à l'écran le livre de Jean-François Coatmeur «Des croix sur la mer».

Un tournage sud-finistérien

L'équipe avait eu la bonne idée de tourner non loin des lieux du drame - Pont-Croix remplaçant le Pouldavid d'origine - et de faire appel à des comédiens bretons (*), une centaine d'habitants du Cap-Sizun, du Pays bigouden et de Douarnenez jouant les figurants.

Leur plus juste intuition a sans doute été d'associer au projet l'écrivain brestois Jean-François Coatmeur. Pas toujours tendre avec la dizaine d'adaptations de ses livres, l'auteur se dit satisfait de celle-ci : «Je retrouve ce que j'avais voulu mettre dans le livre, notamment sur la rédemption et la solidarité. Le film trouve aussi des équivalents intéressants à la construction un peu complexe de mon histoire».

« On est foutus mon pauvre garçon »

Tourné au printemps 2000, « Des croix sur la mer » a conduit toute une équipe à se replonger dans la douloureuse période de l'occupation allemande. Très exactement le 5 août 1944, vers 10 h.

Jean-François Coatmeur vient d'avoir 19 ans. La journée est radieuse, le jeune homme va aux nouvelles car la rumeur d'une évacuation prochaine du village de Pouldavid, près de Douarnenez, gonfle. Dans la rue, un militaire allemand l'interpelle, le met en joue, puis le conduit devant un mur. Accueilli par un « on est foutus mon pauvre garçon » d'un de ses camarades, il passera sept heures à attendre de mourir. A 17 h, on le somme de partir, comme les autres, sans aucune explication.

Salaud ou héros

« Ce miracle, qui reste une énigme, a été un carrefour de ma vie. J'ai vraiment vu ma fin de près. Je n'ai jamais pu oublier le contraste entre ce jour d'une beauté insolente et l'absurdité de ce qui m'arrivait. Je pense aussi y avoir beaucoup appris sur l'homme, sa lâcheté, sa dignité face à la peur. C'est devenu le sujet et le point de départ d'un livre mêlant réalité et fiction », raconte Coatmeur.

De toute évidence, l'entrelacs des destins, la méditation sur la mort, le rachat et la solidarité humaine sont les points forts de la version cathodique de l'histoire de Jean Palu. Interprété par Laurent Malet, le protagoniste est de ces hommes qui, à un moment crucial, « ont eu à choisir entre le fait d'être un héros ou un salaud ».

Par la pertinence de leur regard qui ne juge pas mais s'interroge, Luc Béraud et Jean-François Coatmeur sont ici sur la même longueur d'onde pour décrire « une de ces périodes compliquées qui ne peuvent pas engendrer des comportements simples ». Passionnant sujet.

(*) Regroupés par Action Ouest, qui met en relation les professionnels locaux avec les producteurs venant de l'extérieur.

Jean-Luc Germain

Le Télégramme - 13 octobre 2001

Auteur

Auteur de romans policier, Grand prix de littérature policière en 1976 pour Les Sirènes de minuit (Édition Denoël)