« Morte fontaine », 1982 - Denoël - Sueurs froides

Morte fontaine

[Temps de lecture : 2 minutes]

Condamnée à mort par l’«Organisation», Rolande parvient à éliminer l’homme chargé de l’abattre et se réfugie en Allemagne, emportant une précieuse liste codée. Mais qui se cache derrière cette « Organisation » ? Et qui est Rolande ? Sa fillette a été enlevée et ne sera libérée que si sa mère se rend aux hommes payés pour la tuer…
Dans un petit bourg alsacien au cours d’une fête locale aura lieu l’affrontement final.

Secrets d’écriture

Jean-François Coatmeur connait bien l’Alsace : y ayant des amis connus lors de vacances en Espagne, il a fait plusieurs séjours à Scherwiller (Bas-Rhin). Il était donc inévitable qu’un de ses romans se passe dans cette région.

«C’est l’unique cas, dans ma création, d’un sujet qui m’est littéralement tombé dessus, sans que je puisse expliquer ni comment ni pourquoi. Je me promenais dans mon bureau, comme souvent – lorsque je n’écris pas, il y a des moments ou la gymnastique m’est nécessaire – et j’ai vu les deux personnages du roman. J’ai vu une rue qui aurait pu être la rue Saint-Marc, à Brest, vers minuit, une heure du matin, assez sombre. J’ai entendu un pas pressé et j’ai discerné une petite fille blonde blottie dans une encoignure. Lorsqu’elle perçoit le bruit du pas, elle se dirige vers le type et lui dit :  » Monsieur, tu me conduis chez maman « . Je n’ai jamais su pourquoi j’avais eu cette vision, ni ce qu’elle signifiait. J’ai pensé que l’homme sortait d’un bar où il était pianiste, qu’il avait bu un peu car il vivait un problème conjugal. Quant à la petite fille, j’ignorais ce qu’elle faisait là à une heure du matin ! Voilà le point de départ du livre. J’ai ensuite transposé l’histoire en Alsace pour des raisons dont je ne me souviens pas très bien… » (Rencontre avec Jean-François Coatmeur, 9 février 2000).

«Morte fontaine» a été rééditée par Liv’Edition en avril 2004 ainsi que par les Éditions Le Verger.

Des rééditions de « Morte fontaine »

« Morte fontaine » Ré-édition - Denoël - Sueur froides « Morte fontaine », 2004 - Liv'Édition Mortes fontaine - Réédition Le verger Éditeur

  • Denoël – Sueurs froides (1982)

Un film TV

Clémentine Célarié est Kouka dans Morte fontaine (1989)

Réalisation de : Marco Pico

Scénario de : Marco Pico

Année : 1989

Film TV
Première diffusion : 4 juin 1989

distribution :

  • Clémentine Célarié : Kouka
  • Pierre-Loup Rajot : Eberlin
  • Yves Afonso : Kuntz
  • Faye Anastasia : Rebecca
  • Natacha Amal : Nathalie Stern
  • Marc Peeters : Berger

Un «Polar» dont l’action se situe en Alsace

Une image de l’Alsace touristique sur la couverture d’un livre de la collection «Sueurs froides», voilà qui est pour le moins surprenant. Et l’on s’empresse d’y regarder un peu plus près : C’est bien d’un «polar» de Jean-François Coatmeur qu’il s’agit et Coatmeur n’est pas le premier venu !
Grand Prix de la Littérature policière, Prix Mystère de la Critique… un maître du genre, parfait émule de Hitchcock auquel on peut sans hésiter le comparer..

Des les premières pages d’ailleurs le décor se met en place en même temps que le «roman». Aux limites de la vraisemblance, du moins pour le lecteur alsacien. Un poids lourd dans l’Allée de la Robertsau, une fillette de six ans guettant le retour de sa mère vers les onze heures du soir dans une rue de la Petite France à Strasbourg. Oui, bien sur, tout cela est possible, comme l’étrange mascarade elle-même qui finit mal dans une chambre non loin du Conseil de l’Europe, et Coatmeur sait jusqu’où il ne faut pas aller trop loin, mais suffisamment quand même pour créer d’emblée le suspense et plonger le lecteur dans cette ambiance qui fascine à la fois par son réalisme et ses mystères lugubres.

Du reste, aussitôt pris dans les filets d’une intrigue qui parait plus compliquée qu’elle n’est en réalité, le lecteur ne sera lâché qu’à la dernière page du livre et Coatmeur connaît si bien l’Alsace qu’il ne s’y égare jamais. Lieux et personnage sont si «authentiquement» de chez nous que l’auteur fait bien de préciser qu’ils sont purement imaginaires. Son «essai» alsacien est en tout cas d’un cru de grande classe, que les amateurs du genre dégusteront avec de fortes émotions. Si bien que la paisible fontaine de la page de couverture pourrait bien être celle sur la margelle de laquelle s’est achevée une sanglante poursuite…

J. C.

Les affretres (Strasbourg) - 1982

Le tandem Coatmeur-Pico

Un véritable intérêt se fait jour pour les romans policiers de Jean-François Coatmeur. Après " la Bavure ", puis " la Nuit rouge " et " les Sirènes de minuit ", voici que Marco Pico réalise " Morte fontaine ". Une adaptation à la fois fidèle et libre, très réussie

JEAN-FRANÇOIS COATMEUR est l'un des meilleurs auteurs français de romans de suspense. Après un premier livre publié au Masque, il a, sur les conseils de Thomas Narcejac (qui était professeur à Nantes alors que Coatmeur enseignait à Brest), intégré l'équipe de la collection " Crime Club " des éditions Denoël, où s'était constituée, dans la filiation de Boileau-Narcejac, une manière d'école : le " suspense à la française ". Très vite, Jean-François Coatmeur va devenir l'un des auteurs phares de la collection, notamment avec la Voix dans Rama, puis dans celle qui va suivre : " Sueurs froides ".
En 1976, il obtient, pour les Sirènes de minuit, un grand prix de littérature policière parfaitement mérité. Ce polar de politique-fiction, dans lequel il a imaginé qu'un certain général Chopinet - la consonance du nom ne vous rappelle rien ? - a pris le pouvoir en France par la force et imposé un régime militaro-fasciste, est l'un des plus marquants de sa décennie. La Bavure, qui a été couronné en 1981 par le prix Mystère de la critique, et Morte fontaine, qui vinrent ensuite, mettent en scène des personnages quotidiens, paisibles, confrontés d'un seul coup à des événements dramatiques qui les dépassent, mais qui les font aller au-delà d'eux-mêmes.
Les derniers romans de Jean-François Coatmeur ont été publiés dans la collection " Spécial suspense " des éditions Albin Michel. Si la Nuit rouge forme avec les deux susnommés une sorte de trilogie provinciale, Yesterday renoue avec la veine politique, et Narcose flirte de façon poussée mais habile avec le roman d'espionnage. Les intrigues parfaitement agencées des romans de Jean-François Coatmeur n'avaient jusqu'à présent suscité que peu d'adaptations filmées. Seule la Bavure avait été tournée sous la forme d'une dramatique en trois parties par Nicolas Ribowski (avec Raymond Pellegrin, Jean Desailly, Patrick Préjean et Caroline Sihol dans les principaux rôles), diffusée sur Antenne 2 en 1984.
Mais un véritable intérêt s'est fait jour pour son oeuvre, puisque, en l'espace de quelques mois, trois de ses romans viennent d'être portés à l'écran : la Nuit rouge, au cinéma, par Jean-Marie Richard ; les Sirènes de minuit, à la télévision, par Philippe Lefèvre (avec Philippe Léotard, Véronique Genest et Dany dans les rôles-titres) ; Morte fontaine enfin, adapté et réalisé par Marco Pico, dont on n'a pas oublié les Fortifs.
L'adaptation que Marco Pico a faite du roman est remarquablement fidèle quant au déroulement des péripéties et au caractère des personnages. Même s'il éprouve (en père possessif) un tout petit regret de ce que les trajectoires personnelles de Nathalie Stern et du commissaire Kuntz n'aient pas été - faute de temps - aussi fouillées que dans le livre, Jean-François Coatmeur reconnait bien volontiers que le choix de privilégier le couple Kouka-Eberlin s'avère des plus judicieux. Et que la transposition de l'Alsace à la Belgique pour le décor (et le terroir) est tout à fait réussie.
Quoi qu'il l'ait élaguée, notamment en ce qui concerne le parcours de Nathalie Stern, Marco Pico a respecté la construction du roman qui est le générateur même du suspense : l'entrecroisement de trois (ou plutôt de quatre) destins individuels qui vont " se tamponner " d'un coup, à cause d'une petite fille réveillée en pleine nuit et du cadavre d'un homme d'affaires déguisé en prêtre, et filer ensuite, après tours et détours, " chauds et froids " comme l'on dit dans certains jeux enfantins, vers un point de convergence.
A l'originalité du sujet - l'enquête policière n'est pas l'ossature principale, elle vient seulement ponctuer, par bribes, montées en parallèle, la quête d'Eberlin, - Marco Pico a ajouté la maitrise parfaite de la réalisation. Par cette manière de filmer la ville de nuit, par l'extraordinaire séquence de la danse d'Eberlin au son d'un impressionnant carillon, par la grâce de sa rencontre avec cette Alice nocturne qui lui fera traverser bien des miroirs, par le surréalisme quasi bunuélien de cette messe des morts improvisée dans une chambre d'hôtel.
Et ce sentiment ne sera jamais démenti par la suite : la mécanique du suspense lancée dès les intrigantes premières images roule sans à-coups, mais sur un tempo de plus en plus prenant, vers un final à la fois redouté et attendu.
Pierre-Loup Rajot, en pianiste de boite un peu décalé, Clémentine Célarié, en dessinatrice de BD pour adultes, forment un couple qui fonctionne merveilleusement et dont on imagine facilement qu'il puisse se laisser prendre à la séduction de l'enfance. Yves Afonso apporte au personnage du commissaire Kuntz une densité et une tension bien rares chez les flics à la télévision.
Le tandem Coatmeur-Marco Pico, qui avait déjà failli se constituer sur la Bavure, nous donne là un grand moment. On l'échangerait même volontiers contre la quasi-totalité des polars du grand écran de ces derniers mois.

Jacques Baudou

Le Monde - 28 mai 1989

Auteur

Auteur de romans policier, Grand prix de littérature policière en 1976 pour Les Sirènes de minuit (Édition Denoël)