Le mascaret
[Temps de lecture : < 1 minute]Un best-seller vient de le rendre célèbre. Mais dans le pays basque le Dr Roberto Ramirez, un ancien réfugié espagnol établi comme généraliste à Irregui, près de la frontière, est depuis très longtemps connu. Opposant farouche au régime franquiste, il est devenu un symbole, la conscience de ceux qui, des deux cotés des Pyrénées, luttent contre la dictature militaire. Jusqu’au jour où une jeune admiratrice, Chantal Ragon, frappe à sa porte. Et la tragédie commence…
Mais qui est Ramirez ? Dans quelle mesure a-t-il poussé la jeune femme dans une aventure dont elle ne reviendra pas ?
- Denoël – Sueurs froides (1977)
Le mascaret et la presse
Le mascaret
Après les remarquables «Sirènes de minuit» qui ont obtenu un grand prix de littérature policière, on attendait Coatmeur au tournant. Avec son «Mascaret», il livre une œuvre dense et tragique dont l’action se passe dans l’Espagne franquiste. Rigueur et imagination.
Le Nouvel Observateur - 14 août 1977
Espagne: la guerre est finie
«Mascaret: surélévation brusque des eaux qui se produit dans certains estuaires au moment du flot et qui progresse rapidement vers l’amont sous la forme d’une vague déferlante (Petit Larousse Illustré)». C’est aussi le titre d’un excellent roman de Jean-François Coatmeur, Breton et professeur de lettres dans un lycée de Brest.
Le docteur Roberto Ramirez, réfugié espagnol, a écrit un ouvrage qui devient un best-seller, «Les derniers Hilotes». Parallèlement à cette activité littéraire, il fait la connaissance d’une jeune femme, Chantal Ragon, qui éprouve le besoin de se rendre utile aux autres. Alors, elle va militer dans un mouvement autonomiste basque. Elle participe à un attentat contre un industriel puis est arrêtée. Quand au docteur, dirige-t-il l’organisation de France ? Quelles sont les raisons qui ont poussé Chantal à s’engager ? Quel est le rôle de son mari dans sa libération et celui de Chico, le serviteur du docteur, qui le suit comme son ombre ? Peu à peu, au fil des pages le voile se lève sur le mystère. On apprend entre autres qu’il y a eu provocation policière.
Jean-François Coatmeur a rassemblé les éléments du récit en 1975. En 1977, il y a eu les premières élections libres depuis la République. Pourtant l’Espagne l’a marqué dès son enfance. Âgé de onze ans lorsque la guerre civile a éclaté, il précise: « L’Ouest-Eclair rendait compte des événements. Il y avait le bon Dieu et le diable. Franco passait pour un grand homme. Quant au diable… c’étaient les Républicains.»
On sent à travers le roman la solitude du petit groupe qui combat jusqu’au bout pour défendre ses idées. Les erreurs, la peur de la trahison et les angoisses devant l’acte à accomplir font partie du quotidien. Il y a un certain coté dérisoire, voire tragique. On a l’impression que l’auteur aurait aimé être plus vieux pour participer lui-même à l’épopée.
En huit romans, Jean-François Coatmeur a maitrisé la forme et le fond. Il s’attaque à la bourgeoisie bien en place dans «Baby foot» et «Le squale», puis imagine avec «Les sirènes de minuit» un assassinat à Brest dans une France gouvernée par un certain général Chopinet. L’ouvrage a obtenu le Grand Prix de Littérature Policière en 1976. A partir de ce livre, il ajoute: «Je me suis senti capable de dire certaines choses que je ne croyais pas pouvoir dire avant, car j’ai pris un peu d’assurance. Maintenant, à travers le roman policier, je peux exprimer modestement certains jugements sur les événements et les hommes car je me suis libéré du carcan dans lequel j’étais à l’étroit» . Bien sûr, il réagit très violemment contre ce qu’il appelle à tord ou à raison l’injustice.
Jean-François Coatmeur avoue humblement qu’il n’a pas de « culture policière » hormis les romans et nouvelles de William Irish et l’œuvre de ses amis Boileau et Narcejac. Étranger au langage des truands, il pense qu’il est plus facile de faire parler les gens qui ont de l’éducation plutôt que ceux qui n’en on pas. D’ailleurs, il éprouve beaucoup d’affection et de tendresse pour ces héros.
Modestement, il lui semble qu’il a un petit public. Avec «Le mascaret» on ne peut que lui souhaiter un grand.
Pierre Lebedel
Le Figaro - 28 août 1977
Le mascaret
S’il parait dans la collection «Sueurs froides», ce roman dépasse la dimension du simple thriller; ses considérations politiques et historiques, ses études psychologiques et humaines en font un véritable ouvrage de réflexion et d’actualité, auquel le suspense étroitement mêlé enlève tout caractère ennuyeux.
Une jeune française, séduite par un livre de souvenirs d’un ancien réfugié espagnol opposant au régime franquiste, entre en contact avec l’auteur, le Dr Ramirez, et quitte son mari pour servir aux côtés de ceux qui luttent contre la dictature militaire; à la première opération , elle sera arrêtée, torturée et condamnée à la prison à vie; après avoir, en vain, tout mis en œuvre pour la sauver, son mari décidera de la venger: le Dr Ramirez semble être la victime toute désignée.
On devine d’ores et déjà la richesse des sujets abordés: les drames de la guerre civile, l’horreur des méthodes policières; mais aussi l’influence de certains maître à pense, l’importance d’un livre; la conversion de personnages anonyme en dangereux extrémistes…
Les sentiments et les opinions mène une sarabande infernale, qui se concrétise par des actes excessifs ; mais dans quelle mesure le libre arbitre a-t-il libre cours, face à un appareil d’État efficace et sans nuance ?
Avec rigueur et virtuosité, Jean-François Coatmeur pose ici certains problèmes essentiels; on n’en attendait pas moins de l’auteur des «Sirènes de minuit», Grand Prix de la littérature policière.
Martine Freneuil
Le Quotidien du Médecin - 30 août 1977